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Tous les dividendes ne se valent pas

J. Safra Sarasin
En cette période d’incertitudes, les investisseurs sont de plus en plus en quête de stratégies stables et prévisibles, capables d’affronter les turbulences des marchés. Ils s’intéressent en particulier aux stratégies de dividendes, gage de davantage de stabilité et de résilience.
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Les dividendes se valent-ils tous?

Globalement, il existe deux grands styles d’investissement dans les dividendes : l’un est axé sur les entreprises dont les rendements des dividendes sont supérieurs à la moyenne, et l’autre tend à donner davantage d’importance aux entreprises dont la croissance des dividendes est régulière dans le temps. Quelles différences séparent ces deux styles et l’un est-il meilleur que l’autre? Nous affirmons que les investisseurs à long terme doivent donner la priorité aux actions de premier ordre qui affichent un historique éprouvé de croissance régulière des dividendes.

Dans le cadre de l’analyse des actions à dividendes, plusieurs facteurs importants sont à prendre en compte en sus du rendement des dividendes, qui reflète le rapport entre les montants versés par une entreprise à ses actionnaires et le cours de l’action. Voici certains facteurs importants dont les investisseurs doivent tenir compte pour analyser les actions à dividendes.

1. Croissance des dividendes : Le taux de croissance des dividendes est un facteur important à prendre en compte car il indique la capacité d’une entreprise à accroître ses dividendes au fil du temps. Un dividende qui croît régulièrement est le signe que l’entreprise est saine et stable.

2. Taux de distribution des dividendes : Le taux de distribution des dividendes mesure le pourcentage des résultats versés sous forme de dividendes. Un faible taux de distribution indique qu’une entreprise conserve une part plus importante de ses résultats afin de réinvestir, tandis qu’un taux de distribution élevé peut indiquer qu’une entreprise donne la priorité aux dividendes par rapport aux investissements dans la croissance. Pour évaluer la qualité d’une action à dividende, il convient d’analyser le taux de distribution des dividendes en sus d’autres facteurs. Les investisseurs doivent également avoir conscience des différences structurelles entre les taux de distribution de dividendes en Europe et aux États-Unis.

3. Santé financière : La santé financière d’une entreprise est essentielle pour évaluer si les versements de dividendes sont durables. Outre la rentabilité et les flux de trésorerie, les investisseurs doivent analyser les niveaux d’endettement d’une entreprise, ses liquidités et sa solvabilité. Une entreprise solide sur le plan financier offre de la stabilité et une souplesse opérationnelle et donc une meilleure visibilité. En outre, certains facteurs fondamentaux comme le pouvoir de fixation des prix, la compétitivité et la capacité d’innovation jouent un rôle important pour les versements de dividendes à venir.

4. Environnement fiscal : L’environnement réglementaire peut jouer un rôle dans les politiques de dividendes des entreprises. Ainsi, certains pays d’Europe encouragent les entreprises à verser des dividendes, tandis qu’en Amérique du Nord, les investisseurs sont lourdement taxés sur les dividendes, d’où la réticence des entreprises à en distribuer.

De la même manière, comme ces facteurs varient selon les régions, il faut tenir compte des disparités entre les actions à dividendes d’Europe et celles des États-Unis. Si en Europe, la rémunération des actionnaires se fait surtout via les dividendes en numéraire, aux États-Unis, les rachats d’actions jouent également un rôle. Par conséquent, en cas de comparaison entre les deux régions, il convient de prendre en compte à la fois les dividendes en numéraire et les rachats d’actions.

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Source : Banque J. Safra Sarasin Ltd, Refinitiv, au 31.03.2023 -

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Privilégier la qualité plutôt que le niveau de rendement des dividendes

L’analyse des facteurs évoqués précédemment est essentielle pour pouvoir identifier les actions à dividendes de premier ordre. Il s’agit d’actions d’entreprises qui, par le passé, ont enregistré une croissance régulière des versements de dividendes et qui affichent des bilans solides et un faible endettement. Leur situation financière tend à être stable et durable, ce qui leur permettra de continuer de verser des dividendes dans le futur via leurs flux de trésorerie opérationnelle.

En revanche, les actions à dividendes de faible qualité affichent généralement des bilans moins solides, des perspectives de résultats incertaines ou des politiques de versement de dividendes insoutenables. Les actions d’entreprises qui versent des dividendes élevés sans avoir les résultats ou les flux de trésorerie nécessaires pour le faire peuvent être considérées comme des actions à dividendes de faible qualité. Ces sociétés sont susceptibles d’emprunter de l’argent ou de recourir à d’autres moyens pour financer leurs dividendes, ce qui peut s’avérer non soustenable et avoir un impact négatif sur la santé financière de l’entreprise à long terme. Les actions à dividendes de faible qualité sont généralement considérées comme plus risquées que les actions de premier ordre, lesquelles bénéficient généralement de fondamentaux financiers solides et de politiques de versement des dividendes durables.

Il arrive aussi souvent que les entreprises financent les dividendes versés aux actionnaires en empruntant de l’argent plutôt qu’en utilisant leurs bénéfices ou leurs réserves de trésorerie. Elles le font généralement en émettant des obligations ou en contractant des prêts, pour financer les versements de dividendes. Toutefois, cette approche peut être risquée, car elle alourdit la dette de l’entreprise et peut s’avérer insoutenable sur le long terme. En cas de baisse des bénéfices ou des flux de trésorerie de l’entreprise, celle-ci peut avoir des difficultés à rembourser la dette utilisée pour financer les versements de dividendes, ce qui peut entraîner un défaut ou une dégradation de la note de crédit. Par conséquent, en tant qu’investisseurs, il est essentiel de ne pas se limiter aux indicateurs financiers et d’évaluer également les modalités de financement des dividendes.

Ainsi, il est préférable de privilégier les entreprises dont la stratégie d’allocation des capitaux est équilibrée. Il convient donc d’analyser les modalités de financement des dépenses d’exploitation et d’investissement, de recherche et de développement, et des divi-dendes. Certaines entreprises peuvent réinvestir la totalité de leurs flux de trésorerie dans la R&D, comme c’est le cas des jeunes en-treprises qui se trouvent dans une phase de forte croissance. Pour notre part, nous ciblons plutôt les entreprises qui continuent de croître mais qui se situent à un stade plus avancé de leur dévelop-pement et dont le programme d’allocation du capital est donc plus équilibré. À nos yeux, les actions à dividendes les plus intéres-santes sont celles qui présentent à la fois un rendement des divi-dendes attrayant et des perspectives de croissance des dividendes prometteuses.

Pourquoi intégrer la durabilité a-t-il du sens?

Intégrer les critères ESG dans notre approche des dividendes nous permet de cibler des entreprises qui non seulement, sont solides sur le plan financier, mais qui en outre affichent un engagement en faveur de pratiques commerciales durables et responsables et un solide palmarès en la matière.

Tenir compte de la durabilité aide à identifier des entreprises qui gèrent mieux leurs risques ESG, ce qui est susceptible de réduire leur risque réputationnel, mais pourrait également accroître la visibilité sur leur taux de distribution des dividendes. Ainsi, les entreprises dotées de solides pratiques environnementales, sociales et de gouvernance sont davantage susceptibles d’avoir un modèle économique plus durable et ont moins de chance d’être confrontées à des risques réglementaires et réputationnel.

Du fait de l’intégration des facteurs ESG, nous investissons non seulement dans des valeurs traditionnellement défensives mais ciblons également des sociétés de premier ordre dans des secteurs plus cycliques. Les sociétés du secteur de l’énergie, en particulier, en sont un bon exemple. Actuellement, les acteurs du secteur de l’énergie qui soutiennent activement la transition verte sont peu nombreux. Dans ce secteur, il est particulièrement important de privilégier les entreprises ayant de bonnes pratiques de gouvernance et qui, outre les défis environnementaux, gèrent bien leurs risques sociaux, tels que ceux liés à la santé et à la sécurité.

Auteurs: Jean-Philippe Hechel et Arno Gamboni